France: "Quinze euros la tonne, ce n’est pas un prix", la détresse des producteurs de pommes de terre face à la chute des prix
La récolte vient tout juste de commencer et déjà, les agriculteurs sont inquiets. Les prix de vente sont tellement bas que certains recommandent de détruire leur production s’ils ne peuvent pas la stocker en attendant des jours meilleurs.

Alors que la récolte des pommes de terre bat son plein, les agriculteurs sont circonspects. Les prix s’effondrent. En cause, les stocks importants de l’an passé qui n’ont pas été vendus, mais aussi une consommation en berne. L’été, la patate a moins la frite. Côté frites aussi, les industriels vendent moins, ils ont des stocks et n’achètent pas plus de tubercules.
Une offre abondante
Dans le monde du commerce de la pomme de terre, il faut bien distinguer celles vendues avant même d’avoir poussé par contrat entre un industriel et un agriculteur. Pour elles, le prix est fixé souvent l’hiver.
Mais il y a aussi les agriculteurs qui ne vendent pas aux industries agroalimentaires, ou uniquement lorsque celles-ci ont une demande supérieure à leurs prévisions. Ces tonnes de patates sont alors vendues à "prix libre". C’est ce tarif qui est en chute libre en ce mois d’août. Les agriculteurs évoquent des prix allant de 5 à 15 euros la tonne quand ils estiment le prix de revient à 150 euros minimum. "Actuellement, on a l’impression que marché est saturé et que la consommation n’est pas bonne", explique Nicolas Loingeville, membre de l’union nationale des producteurs de pomme de terre. "Ceux qui ont gardé des stocks n’arrivent pas à les vendre, alors que la nouvelle patate est là", ajoute-t-il. Ils espéraient que les prix grimperaient, cela n’a pas été le cas.
Une difficulté qui s’ajoute au fait que certains n’ont pas investi dans des capacités de stockage, des hangars réfrigérés. Ils doivent impérativement vendre leur nouvelle production. L’offre est donc plus forte que la demande et les prix baissent. Pour Nicolas Loingeville, "à 50 ou 60 euros la tonne, c’est les donner. On fait un cadeau aux industriels et on entretient les prix à la baisse… il ne faut pas les vendre. Le prix de revient en comptant les charges mécaniques, salariales, les intrants, se situe entre 150 et 200 euros la tonne."
Autre facteur desservant la patate nordiste, "la parité eurodollar, favorable à l’euro, mais pas au commerce", explique Nicolas Loingeville. À l’export la marchandise américaine est moins chère que l’Européenne, il y a donc un peu de méventes sur le produit fini. Quand j’écoute les industriels, ils affirment que les ventes de frites surgelées sont moins bonnes, donc ils achètent moins à prix libre".
Et puis, les agriculteurs se retrouvent à la merci des grands groupes. "On entend que des camions sont refusés, qu’il y a plus de tensions sur les livraisons. Les industriels sont plus à cheval sur la qualité alors que quand on manque de production, ils prennent, ils n’ont pas le choix", explique Nicolas Loingeville.
Une remontée rapide ?
Les spécialistes expliquent que le prix libre de la pomme de terre est toujours très fluctuant. "Ce prix est lié aux 10 % que l’industriel a besoin de racheter, le reste est contractualisé". Nicolas Loingeville se souvient de juillet 2023, le cours avait atteint 600 euros la tonne. Trois mois plus tard, il était divisé par 6, à 100 euros.
Du côté de la production, l’année a été plutôt correcte. "On a planté assez tôt, on a eu de bonnes températures, on a eu des périodes sèches, mais heureusement les mois de juin et juillet ont été un peu arrosés pour entretenir la plante. En août, le temps a été sec, mais pas caniculaire, les plants souffrent un peu. On s’attend à une production correcte, mais pas exceptionnelle, les tubercules ne grossissent plus".
Alors, les agriculteurs scrutent le ciel. "S’il ne pleut pas, la conservation ne va pas être bonne, les mottes vont créer des chocs sur les pommes de terre, et permettre les maladies".
Le consommateur va-t-il en profiter ?
Rien n’est moins sûr. Dans l’ensemble des charges de production, le prix de la patate pèse peu, expliquent les agriculteurs. Nicolas Loingeville est de cet avis, il affirme que "le consommateur ne va pas en profiter, je ne pense pas". D’autant que la campagne de ramassage des pommes de terre n’est pas terminée et que ceux qui pourront conserver leur production pour la vendre plus tard le feront.
Fuente: france3-regions.franceinfo.fr